MISE À JOUR SUR LE MARCHÉ DE LA VANILLE – MAI 2019

À mesure que le marché mondial de la vanille transitionne officiellement de quantités limitées, de mauvaise qualité et à des prix élevés record vers des quantités suffisantes, de meilleure qualité et à des prix légèrement inférieurs, la possibilité de nouvelles baisses de prix apparaît très grande alors que l’effondrement du marché semble très peu probable, du moins pour 2019.  En 2004 à la fin de la dernière crise de la vanille, les prix ont chuté de presque 90% sur une période de 12 mois, et d’un 60% additionnel durant les sept années suivantes. Est-ce qu’une situation similaire pourrait se produire maintenant que la plus récente crise s’est apaisée? Nous en doutons pour le moment étant donné la faible demande mondiale. Par contre, une récolte plus faible que prévue à Madagascar pourrait créer des problèmes de provisionnement à court-terme. Par ailleurs, bien que diminuée, la demande générale mondiale pour les gousses de vanille naturelles est beaucoup plus grande qu’en 2004. La plupart des grands utilisateurs industriels de la vanille ont opté pour la même stratégie, celle de garder les inventaires le plus bas possible et d’acheter à court et moyen terme.  Bien que les prix des gousses de vanille aient sensiblement diminué comparativement à des niveaux qui dépassaient 600.00 USD/kg en 2018, nous sommes encore à l’étape où les prix sont historiquement très élevés avec une grande exposition à la baisse.   À Madagascar il reste encore de la vanille de haute qualité de la récolte 2018 qui n’est pas encore vendue au moment où la récolte 2019 commence dans le nord du pays.  C’est la même situation dans d’autres origines. Dans les mois à venir nous pensons que des efforts seront faits pour liquider ces inventaires au fur et à mesure que la récolte de 2019 progresse. À ce stade, après une saison cyclonique relativement calme, nous envisageons difficilement un chemin menant à des hausses de prix.

Voici nos prédictions concernant les plus importantes régions de culture de la vanille, où nous sommes le plus actifs, au cours des 6 prochains mois.

Papouasie-Nouvelle-Guinée – travail en cours

PNG continue à gagner du terrain sur la scène mondiale de la vanille. Au fur et à mesure que les prix baissent et que le crédit devient disponible en Papouasie Nouvelle-Guinée, on prévoit que les enjeux se stabilisent quelque peu entre les exportateurs. Il n’y a toujours qu’un seul fournisseur qui domine le marché dans cette région. Nous estimons que PNG produira entre 150 – 200tm de gousses de vanille en 2019, un peu moins qu’en 2018. Cela inclut la vanille exportée en Indonésie, habituellement emballée sous vide et partiellement séchée et mûrie. C’est là que le processus est terminé et que le produit est réexporté parfois même comme de la vanille d’origine indonésienne.  Cela est regrettable et porte à confusion pour les acheteurs car cela élimine tout standard de qualité.

La vanille de PNG dont le processus est finalisé en Indonésie, bien que viable, est très différente de la vanille PNG d’origine.  Garder les gousses vertes sur les vignes afin qu’elles mûrissent correctement s’est révélé tout un défi. Malheureusement, des problèmes de moisissure et des gousses de vanille vertes et instables et immatures sont encore trop fréquents. Nous sommes optimistes que la qualité de la vanille PNG s’améliorera en 2019. Il y a une réelle opportunité pour PNG de s’assurer une forte présence à long terme autant dans le secteur industriel que dans celui de la restauration s’ils prennent un meilleur contrôle de leurs exportations et de leurs standards de qualité.  À mesure que les prix continuent de baisser PNG devra travailler très fort afin de garder la part du marché qu’ils détiennent depuis les 5 dernières années. Sinon la marque sera abandonnée rapidement en faveur d’autres origines comme cela a été le cas après la dernière crise.

Indonésie – pêle-mêle

L’Indonésie nous a surprise quelque peu avec de la qualité supérieure à nos attentes et un plus grand volume qu’annoncé originalement. Cela pourrait être attribué en partie aux importations de vanille PNG dont nous avons fait allusion plus tôt. Néanmoins, à ce stade, et il est encore très tôt, nous anticipons la possibilité de 100 – 125tm de l’intérieur de l’Indonésie avec une estimation de 40- 50tm importé de PNG en 2019. Comme dans toutes les origines il y a des plantations de vanille sur une grande échelle en Indonésie et d’ici 2020 nous anticipons une augmentation significative des rendements des récoltes.  La majorité de ce que nous voyons sur le marché en termes de qualité est constituée de vanille de qualité inférieure, et à certains moments, de la vanille avec un taux de vanilline élevé ou même de la vanille de qualité gourmet. Aussi longtemps que les prix de la vanille demeurent attrayants du point de vue des producteurs, nous anticipons que l’Indonésie continuera de planter et cultiver la vanille, contribuant ainsi à diversifier la chaîne d’approvisionnement.

L’Ouganda – progression lente

La vanille de l’Ouganda continue de montrer des signes d’amélioration en termes de qualité mais plusieurs obstacles subsistent. Le gouvernement semble engagé à aider l’industrie, mais jusqu’à maintenant aucun résultat tangible s’est concrétisé. Actuellement la première récolte est commencée et les prix pour les gousses de vanille vertes ont débuté plus bas que la saison dernière et le marché est stable. Celle-ci est la plus petite des deux récoltes annuelles et on prévoit un rendement de 30 – 40tm. On s’attend que la deuxième récolte à l’automne de 2019 soit beaucoup plus importante. Nous ne constatons pas de cueillettes précoces comme dans les campagnes précédentes donc on s’attend à une amélioration du rendement et de la qualité. Il est encore très tôt mais on s’attend à une production totale annuelle de l’Ouganda d’à peu près 100 -125tm tout dépendant de la maturité de la récolte et des ratios favorables de mûrissement.   La production de la vanille dans l’Ouganda est en expansion dans trois régions distinctes.  Plusieurs utilisateurs majeurs sont vivement intéressés par la vanille Ougandaise et supportent activement l’industrie sur le terrain.

Après tout, cette région produit la même espèce botanique cultivée à Madagascar et possède la capacité de produire facilement 250 – 300tm annuellement. Cela contribuerait largement à rétablir l’équilibre compétitif mondial de la vanille qui est gravement manquant.

Les Comores avançant péniblement

Les Comores ont connu le même phénomène de floraison tardive qu’ à Madagascar. La récolte ne sera pas aussi abondante qu’anticipé et le volume des récoltes ne dépassera certainement pas 100tm. Par contre, étant donné le contrôle rigoureux des dates de récolte dans la région nous ne croyons pas que la qualité soit affectée négativement. La majorité de la production est composée de gousses de vanille à rendement élevé de qualité bourbon industriel ou gourmet. Un très faible pourcentage de vanille de qualité inférieure est produit. Le Comores est une alternative attrayante à Madagascar pour ceux qui recherchent des gousses de vanille bourbon authentiques à 100% à rendement élevé.

Madagascar – le début de la fin

Après plusieurs récoltes consécutives avec un rendement de gousses de vanille de qualité inférieure, la récolte de 2018 à Madagascar s’est rétablie à des niveaux plus normaux de qualité. Même si ce n’était pas une récolte typique, nous avons vu une amélioration tout particulièrement au niveau de la teneur en vanilline et de la stabilité. Devenus habitués à la vanille de qualité inférieure, les acheteurs industriels de vanille ont réagi d’une façon particulière. En fait, une fois qu’il a été découvert que les gousses de qualité inférieure avaient le même rendement du niveau de vanilline que les gousses de très haute qualité des récoltes précédentes, c’est là que les acheteurs ont concentré leur attention. Par conséquent, aujourd’hui il demeure très peu de qualité inférieure de disponible alors qu’il reste encore un surplus de vanille de Madagascar de qualité supérieure. Malgré une amélioration assez considérable de la qualité et une baisse de prix il n’y a pas eu de reprise visible de la demande pour la vanille. En fait, il y a eu érosion supplémentaire. À notre avis, le prix de la vanille devra baisser de beaucoup pour que la demande mondiale redevienne comme avant, tout particulièrement en ce qui concerne la vanille du Madagascar.

Nous estimons un rendement de la récolte de 2018 à Madagascar d’approximativement 1600 – 1800tm avec à peu près 1200tm exporté à la fin de mars selon les statistiques du gouvernement. Le rendement plus élevé est principalement attribuable à la maturité de la vanille verte et aux ratios de mûrissement amélioré. Cela a aussi contribué à l’augmentation du volume de gousses de qualité supérieure par opposition de celles de qualité inférieure.  Il y a eu moins de préfinancement de la récolte de 2018 et une demande moindre (heureusement) pour la vanille mûrie et séchée par un processus accéléré. Ces deux facteurs ont contribué immensément dans l’amélioration de la qualité.

La récolte de 2019 s’annonce légèrement différente étant donné la floraison très tardive et moins abondante que prévue dans la majorité des régions. Quoique nous ne nous attendons pas à la qualité désastreuse que certains ont prédit, ce sera un défi pour le Madagascar de maintenir la même qualité en 2019 qu’en 2018. Le nouveau gouvernement semble plus proactif en ce qui concerne la vanille. Actuellement ils mettent en œuvre des mesures qui ont pour objet de protéger la récolte de 2019. Cela inclut une date limite du 1er juin pour l’exportation de réserves non déclarées et apparemment des dates de cueillette des récoltes très rigoureuses pour plusieurs des régions. Le seul plus important facteur qui affecte la qualité et le rendement de n’importe quelle récolte de vanille est la maturité des gousses vertes ou l’absence de celle-ci.  Ces mesures visent à décourager le vol, le mûrissement et séchage accélérés de la vanille, le préfinancement et les spéculations. Il reste à voir l’efficacité de ces mesures. On s’attend que l’exportations de la récolte de 2019 aura lieu du milieu jusqu’à la fin d’octobre.

Il est beaucoup trop tôt pour estimer le volume de la récolte de 2019. Beaucoup dépendra de la capacité du gouvernement de faire respecter les mesures susmentionnées qui pourrait facilement améliorer le rendement et la qualité de la récolte. Cependant, nous pouvons dire avec une certitude relative que le volume de la récolte 2019 sera moins important qu’en 2018.

Autres régions opportunités manquées

Malgré quatres années avec des hausses record du prix de la vanille, les régions qui en font la culture tel que l’Inde, le Mexique et la Polynésie française n’ont pas été en mesure d’accroître leur production de gousses de vanille. Nous savons très peu concernant la production de la vanille de l’Inde mais depuis de nombreuses années nous entendons parler d’une explosion imminente de la production qui ne s’est jamais matérialisée. La consommation domestique pourrait être en partie responsable mais la région demeure toujours un mystère pour nous en ce qui concerne la production de vanille.

La production de la vanille en Polynésie française a chuté étant donné que les exportateurs primaires continuent de comploter à garder les prix bien au-dessus des niveaux du Madagascar décourageant ainsi toute expansion du marché et encourageant les acheteurs à chercher des alternatives telles que la qualité de type PNG Tahitien.

La production de vanille mexicaine est inférieure à 10tm et semble malheureusement en souffrir, sans augmentation significative, avec une disponibilité très limitée malgré trois années de prix favorables.

Conclusion

Bien que nous voyions plusieurs signes positifs qui émergent dans le commerce mondial de la vanille le marché a encore un long chemin à parcourir avant de se rétablir complètement.

Les vignes de vanille plantées au cours des 3-4 dernières années commenceront à produire en 2019 et encore plus en 2020 lorsque la production mondiale de la vanille pourrait augmenter considérablement. Madagascar verra probablement une baisse de la qualité et de la production pour 2019 mais nous croyons que ce sera loin d’être aussi sévère que plusieurs prédisent. Un récent rapport du marché qui circule dans l’industrie suggère que le contenu de vanilline pour la récolte de 2019 à Madagascar ne dépasserait pas .4%, que le vol de la vanille verte était rampant et que l’inventaire résiduel de 2018 était déjà vendu.  Très alarmiste à notre avis.  C’est la période “ridicule” traditionnelle à Madagascar oû toutes sortes de fausses informations circulent dans le marché. Il est parfaitement normal que les fermiers et collecteurs préfèrent garder les prix élevés. La réalité est qu’il est impossible de faire une évaluation claire et concise de n’importe quelle récolte de vanille jusqu’à ce que la récolte soit complétée et que le mûrissement et le séchage ont commencé. À Madagascar ce ne sera pas avant août/septembre. Les prix initiaux pour la vanille verte dans la région nord de Ambanja sont extrêmement élevés considérant l’état actuel du marché. On ne devrait pas considérer cela comme un baromètre pour évaluer la direction des prix étant donné que la région compte pour environ seulement 5% de la récolte totale. Il y a un nombre illimité de facteurs qui poussent ces prix.

La réalisation que le mûrissement et le séchage complets de la vanille contribuent à un meilleur rendement et une qualité améliorée semble avoir un impact et une emprise dans toutes les origines. La récolte de vanille immature est encore un problème sérieux mais pas au niveau des années précédentes.

Le gouvernement de Madagascar permet toujours le mûrissement et séchage accélérés de la vanille et l’extraction de la vanille verte. Nous espérons qu’ils vont prendre les démarches nécessaires pour restreindre ces pratiques qui sont extrêmement néfastes pour les communautés partout dans la région de la vanille comme nous l’avons répété à maintes reprises dans nos rapports précédents.  Les rapports initiaux suggèrent qu’il y aura une augmentation de la demande pour le mûrissement et le séchage accélérés.  Une nouvelle installation est en train d’être mise en place à Antsohihy, à 200km de Ambanja. Il s’agit là d’une mauvaise nouvelle pour les communautés de la vanille du Madagascar.

La demande pour de la vanille épuisée, (déchets de vanille après extraction), et des graines de vanille triées à partir de ces matériaux a explosé au cours des 12 derniers mois. Les prix pour ce qui est essentiellement un produit résiduaire avec absolument aucune caractéristique de goût ne cessent d’augmenter. Nous avons vu la même tendance lors de la dernière crise de la vanille. Certains producteurs alimentaires ajoutent ces produits à leur formulation tout simplement pour inscrire les mots gousses de vanille ou vanille naturelle sur la déclaration des ingrédients. Finalement le produit sera aromatisé avec de la vanilline naturelle ou des produits similaires qui ne sont pas dérivés de gousses de vanille.

Même si c’est clairement trompeur pour le consommateur c’est une indication que certains producteurs alimentaires sont toujours disposés à contourner les règles aussi longtemps que les prix demeurent prohibitivement élevés.

Même avec la possibilité que le marché mondial de la vanille connaisse encore quelques obstacles inattendus la tendance progresse indéniablement vers des prix plus bas à long terme.

Malgré la récolte plus petite que prévue à Madagascar les autres zones de culture auront, dans l’ensemble, de bonnes récoltes en 2019 et en 2020 on pourrait même voir un excédent significatif dans la production mondiale de la vanille.

Les acheteurs devraient maintenir une approche disciplinée et ignorer l’ensemble de rumeurs qui vont certainement circuler dans les prochains mois. Même aux niveaux actuels, les prix de la vanille ne sont pas viables à long terme. Afin d’éviter un effondrement potentiellement catastrophique en 2020, nous estimons qu’une correction supplémentaire des prix en 2019 est requise. Seuls les acheteurs ont le pouvoir de mener le marché dans cette direction.

Aust & Hachmann (Canada) Ltd