RAPPORT INTÉRIMAIRE DU MARCHÉ DE LA VANILLE NO. 49 – AOÛT 2016

 

Bien que nous sommes en avance de la date normale de l’émission de notre rapport du marché de la vanille, l’état actuel  du marché de la vanille de Madagascar  ne nous laisse pas d’alternative que d’émettre une mise à jour afin d’essayer de  comprendre la folie qui se produit sur le terrain dans la  plus importante région de vanille du monde.   Nous donnerons suite en produisant un rapport plus compréhensif au cours du quatrième trimestre lorsqu’il sera possible d’évaluer la situation avec plus de précision.  Ce rapport traitera uniquement de Madagascar et abordera l’Indonésie et  la Papouasie Nouvelle Guinée.  Ces 3 origines sont responsables pour approximativement 95% de la production de gousses de vanille en 2016.

Tel que mentionné dans notre dernier rapport la question clé en prévision de la récolte de 2016 était comment les acheteurs réagiraient face au marché de la gousse de vanille verte influençant ainsi les prix et la qualité suivant l’évolution du marché.  Aujourd’hui, le marché de la vanille verte tire à sa fin et malheureusement le scénario le plus pessimiste est devenu réalité.  Déjà au départ, les prix pour la vanille verte étaient plus ou moins au même niveau que les prix pour  la vanille séchée et mûrie à la fin de 2015.  Aujourd’hui avec le marché de la vanille verte qui tire à sa fin, nous voyons les prix au-dessus de 80.00 USD/kg pour des gousses vertes.  Avec un faible ratio de mûrissement de 6-7kg de gousses vertes pour 1 kg de vanille séchée et mûrie à cause d’une abondance de gousses immatures, nous assumons qu’en 2016 nous pourrions possiblement  éclipser les prix connus lors de la dernière crise majeure de la vanille de 2001-2004 quand les niveaux ont dépassé 500.00 USD/kg.  Sur le terrain à Madagascar c’est une complète frénésie spéculative et on peut voir les prix augmenter sur une base quotidienne.  Toutes tentatives de régulariser la qualité et l’emballage sous vide  ont été mises de côté afin de se précipiter afin de profiter de ce qui semble être un marché sans limites.  Quand un kilo de vanille représente une valeur  égale approximative de 6 mois de salaire pour la personne moyenne de Malgache, il n’est pas difficile  de comprendre pourquoi cela provoque le chaos total sur le marché.

Ces nouvelles sont parvenues à d’autres régions productrices et nous constatons maintenant des activités similaires en Indonésie et Papouasie Nouvelle Guinée où les prix ont augmenté dramatiquement au cours des derniers mois.  Contrairement à la dernière crise, les nouvelles se propagent rapidement en 2016 et les vendeurs de vanille de toutes les régions ont rapidement saisi avantage de la situation ce qui est complètement compréhensible.  Quoique nous sommes très tôt dans l’évolution de la récolte (la saison de mise en « vrac » vient d’être entamée) nous pouvons assumer que la récolte de vanille 2016 de Madagascar sera à la fois de qualité inférieure et coûteuse au point de risquer la durabilité et la viabilité de l’industrie, dépassant même les projections les plus pessimistes datant à peine de quelques mois.

Cela pourrait changer dans les mois à venir mais nous sommes douteux d’obtenir de l’aide adéquate  avant 2017 car nous avons maintenant atteint l’étape ou c’est avantageux pour certaines entreprises qui se sont déjà commis à ce marché, que les prix demeurent élevés…. du moins dans le court terme.  Nous constatons plusieurs révisions à la baisse de la taille  de la  récolte de Madagascar en 2016 qui était estimée originalement à 2000-2400tm.  Maintenant, selon plusieurs exportateurs,  la récolte ne dépassera pas 1300-1500tm.  Récemment nous avons lu un rapport du marché de la vanille rédigé par une importante entreprise de vanille européenne qui assume que la demande mondiale pour la vanille demeurera constante à approximativement 3000tm.  Ces chiffres sont utilisés pour conclure que le marché sera à court d’au moins 700-800tm.  Nous ne pouvons tout simplement  pas accepter l’une ou l’autre de ces hypothèses.  Nous constatons déjà une baisse majeure de la consommation au détail et aux niveaux institutionnels et bientôt les utilisateurs finaux industriels suivront.  C’est une certitude que la demande mondiale baissera de  3000tm et de suggérer autrement est tout simplement naïf selon notre opinion.  De plus, même si les ratios pour la méthode de séchage et maturation sont faibles une révision à la baisse de la récolte de presque 1000tm à ce stade avancé de la saison ne fait tout simplement aucun sens.

Les extracteurs de gousses de vanille commencent à peine d’informer leurs clients de la nature des coûts qu’ils peuvent s’attendre lors de la prochaine saison.  En moins de 3 ans nous avons vu le prix de la vanille augmenter de presque 1500%.  Il y a moins de trois ans des gousses de vanille de première qualité réservée à l’extraction se vendaient pour moins de 30.00 USD/kg  Comme c’était le cas durant la dernière crise nous nous attendons que la demande industrielle pour des produits d’arôme naturel de vanille provenant de gousses de vanille chute une fois qu’il réalise la situation.  Les manufacturiers d’aliments ont plus de choix que jamais pour des produits d’arôme naturel de vanille ne provenant pas de gousses de vanille.  Nous ne croyons pas que le marché est durable et viable avec les prix à ces niveaux.   Nous sommes aussi d’avis que l’Indonésie et Papouasie Nouvelles Guinée joueront un rôle important en aidant à atténuer un peu  la pression et fourniront à certains secteurs du marché une option plus compétitive.  Bien que nous voyions constamment des estimations très basses pour la production de vanille en Indonésie, les statistiques d’importation aux Etats-Unis contredisent ces données.  Plus de 300tm de vanille ont été importés aux Etats-Unis en 2015 de l’Indonésie et durant le mois de juin 2016, plus de 200tm.  Ces chiffres n’incluent pas les importations aux Etats-Unis d’autres origines telles que la Chine qui sont des acheteurs traditionnels de la vanille de l’Indonésie.  Nous prévoyons également que la Papouasie Nouvelles Guinées ajoute au moins 150-200tm de gousses de vanille à leur production mondiale en 2016.

Comment sommes-nous arrivés  où nous en sommes aujourd’hui ?  Chaque crise de vanille a un événement déclencheur, la dernière était causée par un cyclone (Hudah) et tout ce qui a suivi a tout simplement aggravé la situation, récoltes de courte durée, spéculations répandues et l’absence d’alternatives viables d’arôme de vanille, etc.  Cette fois-ci, nous croyons que l’événement déclencheur a été causé par l’homme  plutôt qu’un produit de mère nature.  Rappelez-vous s.v.p. que ce qui suit est strictement notre opinion à ne pas être interprété d’aucune façon comme étant définitif.  D’autres peuvent être en désaccord.

Nous croyons que le principal événement déclencheur pour la plus récente crise est causé par des actions de certaines importantes entreprises d’arôme établies en Allemagne, en Suisse et aux Etats-Unis.  Ces entreprises étaient extrêmement  agressives au tout début de la campagne de la vanille verte en avançant de grandes sommes d’argent à leurs fournisseurs respectifs au Madagascar.  En soi ce genre d’activité n’est pas rare ; lorsque les prix sont à ces niveaux, les exportateurs manifestent de la réticence à risquer leur propre capital.  Cependant, le vrai problème, et nous en avons parlé dans plusieurs de nos rapports précédents, sont les nouvelles tendances de « mûrissement rapide » de la vanille verte et « l’extraction » de gousses de vanille vertes.  Ces entreprises ont encouragé certains exportateurs de vanille d’installer des fours sophistiqués pour sécher la vanille verte dans le but de contourner les méthodes traditionnelles de finalisation de séchage et mûrissement. Ceci permet un coût de base meilleur marché dans un marché de la vanille à la hausse, l’accès plus rapide à des matières premières et produits finis et élimine ainsi les personnes intermédiaires, dans ce cas le travailleur de vanille Malgache.  Le raisonnement derrière l’extraction de la vanille verte est plus ou moins le même.  Prendre contrôle de la production de la vanille le plus rapidement possible tout en maximisant les marges de  profit et la part du marché.  Dans les deux cas, le produit final est très différent de celui produit en utilisant les méthodes traditionnelles de séchage et de mûrissement de la vanille et largement inférieur à maints égards.  Ces processus servent à mettre la vanille dans une catégorie industrielle avec une disponibilité accélérée,  le moins possible de participation des travailleurs locaux et de retard. Nous croyons que si ces qualités deviennent la norme au Madagascar ce sera une catastrophe pour les dizaines de milliers de famille de la vanille qui dépendent de la vanille pour leurs moyens d’existence.  Dans un monde idéal le gouvernement de Madagascar interviendrait et mettrait une fin immédiate à ces pratiques.   Cependant,  comme nous l’avons vu dans le passé lors d’initiatives pour améliorer ou protéger l’industrie de la vanille au Madagascar, les ressources ne sont tout simplement pas là.  Nous croyons que ces entreprises ont complètement pris avantage des vulnérabilités et faiblesses  qui existent à travers le secteur de la vanille de Madagascar.  Le profit, la part du marché et le contrôle du marché sont mis bien au-dessus des meilleurs intérêts du travailleur moyen de vanille sur le terrain.

Le mûrissement rapide ou l’extraction de vanille verte ne sont pas de nouvelles  technologies mais nous croyons que la récolte de 2016 est la première à être aussi sévèrement affectée par ces pratiques puisque plusieurs entreprises poussent leurs fournisseurs sur le terrain à se conformer.  Naturellement les grandes entreprises riches en capital sont les premières à prendre ces genres de risque car le rendement des investissements pourrait être très considérable en effet et les actionnaires seraient très heureux.  Cependant ces même actionnaires paieront le prix dans le cas d’une réaction défavorable des consommateurs par rapport à ce qu’on ne peut qualifier que de pratiques d’affaire abusives qui à notre avis profitent des personnes les plus vulnérables sur la planète.

 

(L’ironie c’est que ces même entreprises s’efforcent constamment de se promouvoir comme étant de bons citoyens corporatifs responsables qui assurent la durabilité de l’environnement et la viabilité de l’industrie  par leurs pratiques de commerce équitable et leurs programmes avec « The Rain Forest Alliance » entre autres.   Malheureusement ces programmes ne représentent qu’une fraction de leurs achats globaux.)

 

À notre avis il n’y a aucune raison logique pour la hausse de prix de la vanille que nous constatons dans le marché aujourd’hui.  Les prix avaient augmenté considérablement de 2013-2015 et  nous jugeons que c’était justifié par une pénurie de fournitures et une demande accrue.  La pression que nous voyons sur le marché aujourd’hui est davantage le résultat de l’anxiété et la cupidité corporative plus que tout autre chose.  Nous croyons fermement que sans l’arrivée du mûrissement accéléré et l’extraction des gousses de vanille vertes, le marché ne connaîtrait pas le chaos qu’il vit aujourd’hui.  Plus vite la correction du marché,  meilleures seront les perspectives  pour ceux qui croient encore à l’accessibilité  de gousses de vanille de Madagascar de haute qualité, mûrie selon les méthodes traditionnelles pour tous les secteurs du marché mondial de la vanille.

Aust & Hachmann (Canada) Ltée