RAPPORT DU MARCHÉ DE LA VANILLE Nº 47 – OCTOBRE 2015

À l’arrivée sur le marché de la récolte 2015 de vanille de Madagascar, on constate le déroulement d’un scénario déjà trop familier.  Comme prévu, la récolte est à la fois inférieure à la moyenne en termes de taille et de qualité.  En fait, on s’attend à ce que la qualité soit aussi mauvaise ou possiblement pire qu’en 2013. Il existe de nombreuses raisons pour cela que nous aborderons plus loin dans le rapport. Aussi troublant que notre constatation de la  qualité catastrophique prévue, c’est la trajectoire à la hausse effrénée des prix, qui est à l’origine de la préoccupation la plus immédiate. Les régions alternatives qui produisent de la vanille continuent à démontrer des signes de reprise, mais nous doutons que cela ait un impact sur le marché à court ou même à moyen terme. Nous allons aborder brièvement la situation dans ces régions avant d’élaborer celle à Madagascar.

Ouganda

L’Ouganda continue d’avancer péniblement, mais nous doutons que les récoltes de 2014 produisent beaucoup plus que 60-75 tonnes.  Les exportateurs et agriculteurs ougandais ont été lents à réagir à la possibilité d’obtenir des prix plus favorables et l’année dernière, il y a eu d’énormes problèmes concernant la qualité.  La prochaine récolte, qui devrait être prête pour l’exportation en mars/avril, est prometteuse. Cependant, les exportateurs ougandais sont pleinement conscients de ce qui se passe à Madagascar et leurs prix ne sont pas loin derrière.   Néanmoins, nous encourageons les acheteurs à considérer la vanille ougandaise chaque fois que l’occasion se présente. L’Ouganda est l’une des rares origines alternatives qui peuvent fournir les gousses de vanille Bourbon de Madagascar à haute concentration de vanilline.

Indonésie

Le marché de la vanille est à la hausse en Indonésie.  Il y a une grande spéculation, que la vanille pour laquelle ils ont maintenant trouvé des acheteurs provenait de récoltes qui étaient en inventaire depuis des années. Les fournisseurs indonésiens peuvent être remarquablement patients quand il est question d’obtenir ce qu’ils estiment être le meilleur prix pour leur vanille. Les quantités de vanille indonésienne importées sur le marché américain étaient presque de 150 tonnes durant les 7 premiers mois de l’année 2015. Cela porte à croire que la production se redresse rapidement, mais nous sommes tout à fait certains que cette vanille provient de récoltes d’années précédentes. Néanmoins, la production indonésienne augmentera en 2016 et consistera pour la plupart de vanille de qualité inférieure.

L’Inde

L’Inde continue d’aller de l’avant avec une campagne majeure commencée, il y a déjà plusieurs années, visant à accroître la production de vanille.  Bien que nous n’attendions pas d’impact majeur en 2016 en termes de volume, qui ne dépasserait probablement pas 100 tonnes, dans les années à venir, nous pourrions voir ce nombre dépasser 200 – 250 tonnes.

Il sera intéressant de voir si le marché se maintient aux niveaux actuels face à l’arrivée sur le marché de récoltes plus grandes projetés pour 2018 et après. On peut se poser deux questions importantes concernant la vanille indienne.

1) Est-ce que l’Inde peut maintenir une qualité constante tout en produisant un volume plus important?

2) Lors de l’effondrement anticipé du marché de la vanille, l’Inde aura-t-elle la capacité concurrentielle et le courage de suivre Madagascar lorsque les prix basculeront à des niveaux inférieurs? Si les réponses à ces deux questions sont affirmatives, cela contribuerait à établir l’Inde comme étant un sérieux producteur/fournisseur de gousses de vanille à long terme. Nous croyons qu’il nous faudrait au moins un an ou deux avant d’être en mesure de répondre à ces questions.

Papouasie Nouvelle Guinée

Les exportateurs de PNG redoublent d’efforts pour apporter plus de leur vanille sur le marché international et l’impact se fait déjà sentir, en particulier au niveau du service alimentaire.  Bien que PNG produise les deux qualités de vanille, Vanilla Planifolia et Vanilla Tahitensis, cette dernière est largement favorisée par le marché. Nous anticipons une augmentation significative de la production de vanille au PNG pour 2016, possiblement jusqu’à 150 tonnes.

Mexique et en Polynésie Française

Il est peu probable que la production combinée de ces deux régions du monde de la vanille dépassera 25 tonnes. Il n’y a pas grand-chose à ajouter à ce que nous avions déjà indiqué dans notre rapport précédent au sujet du marché de la vanille, n ° 46 d’avril 2015.

Madagascar

Actuellement, Madagascar domine et par défaut contrôle le commerce mondial de la vanille. Tel qu’indiqué dans notre rapport précédent (avril 2015) le pronostic pour la récolte de 2015 n’a pas été bon. Aujourd’hui, avec les récoltes de 2015 qui arrivent sur le marché, nous pouvons confirmer que nous avons dépassé les attentes les plus pessimistes.  Comme prévu, la récolte sera petite.  Probablement entre 1100 et 1300 tonnes de matière sèche, la qualité sans aucun doute d’un standard inférieur et peut-être même pire qu’en 2013, qui fût l’une des pires récoltes.

Tout au long de 2015, la demande sur le marché a été très grande et en milieu d’année lors ce qu’il s’est avéré que cela ne ralentirait pas, de nombreux exportateurs ont tout simplement cessé d’offrir leurs produits et des garder en inventaire, sachant très

bien que la valeur de cet inventaire augmenterait considérablement.

Cela a causé une pression énorme sur le marché, car les acheteurs qui n’avaient pas obtenu les quantités requises selon leurs exigences pour 2015 ont été pris au dépourvu et ont tout simplement intensifié leurs efforts pour trouver de la vanille. Le prix de base des gousses de vanille vertes pour 2015 est devenu tellement élevé ne laissant d’autres choix aux agriculteurs que de récolter le plus rapidement possible afin d’éviter de se voir dérober leurs récoltes.  Avec pratiquement aucune vanille disponible sur le marché,  la pression a continué d’augmenter tout au long des mois d’été. Plusieurs acheteurs importants ont visité Madagascar en août et septembre, pensant peut-être devancer le marché, mais cela a tout simplement envenimé la situation, et démontré clairement un besoin urgent que les exportateurs ont observé avec joie.

Afin de préserver le poids et d’obtenir le meilleur prix possible, la plupart des agriculteurs et les personnes responsables de la cueillette de la vanille ont emballé leur vanille sous vide dans un état semi-séchage et ont laissé la tâche de processus de séchage final aux exportateurs.  Cela aura un impact profondément négatif sur la qualité et le prix. Nous pouvons nous attendre à un très faible contenu de vanilline et une vanille très instable, en particulier pour les grades gourmets et Européens. Les exportateurs ne seront pas en mesure de déterminer leurs coûts qu’après avoir séché leur vanille. Nous anticipons que l’évolution de cette récolte se fasse à un rythme extrêmement lent avec la majeure partie des offres à venir seulement en début 2016

Il y a eu beaucoup de pluie dans les régions productrices de vanille tout au long du mois d’août et durant la première partie de septembre,  ce qui a entravé les efforts de séchage ainsi que la floraison pour la récolte 2016.

Une bonne floraison a débuté en milieu d’août suivi de fortes pluies qui ont entraîné la chute des fleurs des vignes avant d’être pollinisées.  Depuis, la température s’est améliorée et nous constatons que de  nouveaux bourgeons apparaissent sur les vignes de vanille. Nous ne croyons pas pouvoir faire de projection raisonnable concernant la récolte de vanille pour 2016 avant au moins 4 à 6 semaines.

Avec des prix hors contrôle, même les projections les plus optimistes sont tempérées par le fait que le marché de la vanille à Madagascar a de nouveau sombré dans une orgie de chaos et d’avidité.  Ce fut le cas dans les années de 2001 à 2004 lorsque les normes de qualité ont chuté, les entreprises ont fermé et des gens innocents ont été tués sur le terrain, en raison de l’énorme quantité d’argent en circulation, ne voyaient pas d’autres alternatives pour sécuriser efficacement leurs achats.

Le problème de l’insecticide Perméthrine, qui a causé une situation difficile durant la campagne organique en 2014, sera plus que probablement encore présent en 2015. Nous nous attendons à de très faibles volumes de matière organique certifiée authentique de la récolte de 2015. Dans le marché actuel, il est très difficile pour les exportateurs de prendre le contrôle du processus de séchage qui est essentiel pour réduire les risques de contamination.

Avec des prix plus élevés, nous craignons que la question de la durabilité et l’approvisionnement responsable soit négligée, car les acheteurs se concentrent sur des besoins plus pressants. Contrairement au mythe populaire qui se perpétue à travers l’industrie,  les agriculteurs de vanille du Madagascar reçoivent une part substantielle des profits qui sont générés par la hausse des prix.  On peut se demander ce que les organismes de commerce équitable considéraient comme un “juste” prix de la vanille en 2015 avec le prix des gousses de vanille vertes allant de 10.00 à 18.00 USD/ kg la saison passée et celui de la vanille préparée allant jusqu’à 150.00 USD/kg. Comme nous l’avons dit dans le passé, nous ne croyons pas que l’approvisionnement responsable ait quelque chose à voir avec le prix saisonnier de la vanille.  Pour toutes les entreprises intéressées par une approche différente, s’il vous plaît consultez notre site Web www.austhachcanada.com et cliquez sur  “social responsibility “.

Conclusion

Il est facile de simplement blâmer les agriculteurs, les responsables de la cueillette de la vanille ou même les exportateurs à Madagascar pour les maux dont souffre le marché de la vanille. Nous avons malheureusement été témoin de cette approche auparavant… spéculation, cueillette précoce, l’emballage sous vide, le blanchiment d’argent, la cupidité, etc.

Nous croyons que la solution à long terme de l’instabilité actuelle et la volatilité dans le secteur de la vanille doivent venir de l’intérieur, sur le terrain, à Madagascar. L’industrie de la vanille à Madagascar ne peut envisager la facilité avec laquelle les utilisateurs industriels pourraient se tourner vers des options alternatives d’aromatisation, surtout si les lois d’étiquetage et les normes d’identité sont révisées ou moins rigides, ce que souhaiteraient de nombreux fabricants de saveurs. Compte tenu de la nature du marché de la vanille à l’origine, il y aurait certainement un argument crédible en faveur de ces changements.

Alors, pourquoi l’industrie se retrouve à nouveau dans la situation intenable qu’elle est aujourd’hui? Comment est-ce possible que nous suivions le même chemin que nous avons fait de 2002 à 2004? Que le nouveau prix de la vanille soit de150.00 USD/kg ou 200,00/kg ou plus n’est pas vraiment la question. On pourrait toujours argumenter que ces prix représentent la juste valeur, mais la juste valeur pour quoi exactement?

Il est fort probable que la récolte de vanille de Madagascar de 2015  produira de la vanille instable et de qualité bien inférieure à la normale avec des teneurs en vanilline très faibles et des profils aromatiques déformés. Pourtant, la majeure partie de l’industrie, en particulier les entreprises qui comptent fortement sur leurs programmes de vanille, continueront d’en acheter. Les mêmes entreprises qui ont combattu pour obtenir un rabais de .25 à. 50/kg quand le prix de la vanille était de 20,00 USD/kg il y a quelques années sont maintenant prêts à payer jusqu’à 10 fois ce montant pour un produit de qualité bien inférieure.  Les prix de la vanille dépendront entièrement de combien les acheteurs industriels sont prêts à payer. Durant la dernière crise, on a vu les prix monter bien au-delà de 500.00 USD/kg. Nous pouvons seulement espérer que le bon sens prévaudra et que nous ne reviendrons pas à des niveaux absurdes et insoutenables.

Alors de quelle façon l’utilisateur industriel moyen de vanille réagit dans ce marché? Une entreprise offrant des produits de saveur de taille moyenne qui utilise normalement 50 tonnes de vanille de Madagascar devra augmenter son budget d’achat de près de 5 millions de dollars pour un produit de qualité bien inférieure.

Devant cette dure réalité, la solution la plus facile et la plus efficace serait de ne pas en acheter du tout… mais ce ne serait pas réaliste pour la plupart des utilisateurs. Nous conseillons aux acheteurs de considérer l’une des stratégies suivantes :

  • Acheter le minimum le plus tard possible
  • Acheter un produit de qualité inférieure
  • S’approvisionner de différentes origines
  • Élargir les formulations de vanille
  • Contourner les règles en cas de besoin
  • Éviter tout engagement à long terme ou contractuel

 

Tout ce qui peut être fait pour réduire la demande actuelle pour la vanille de Madagascar serait utile. Plus l’industrie augmentera les prix maintenant plus la situation deviendra catastrophique lors de l’effondrement du marché.

Il peut sembler contre-productif qu’une entreprise comme Aust & Hachmann (Canada) Ltd, dont la survie dépend entièrement de vanille et de ces produits dérivés, suggère de telles alternatives. Cependant, compte tenu de la détériorisation de la situation sur le terrain et de l’approche à court terme de Madagascar, nous sommes d’avis que les processus de récoltes désespérés nécessitent des mesures désespérées.

Bien que nous nous opposions à tout type d’action interventionniste, nous ferons appel au Ministère du Commerce et de la Consommation à Madagascar (www.commerce.gov.mg)  – Monsieur Henri Rabesahale pour les encourager à participer davantage dans le secteur qui est encore l’un des plus importants  commerces à l’étranger, qui génère un revenu substantiel qui supporte leur économie en difficulté. Nous croyons sincèrement que des contrôles minimaux concernant les dates de cueillette de la  vanille verte, les méthodes de séchage et l’application des normes minimales de qualité contribueraient grandement à mettre l’industrie de la vanille de Madagascar sur la bonne voie et ainsi assurer sa survie à long terme.

Aust & Hachmann (Canada) Ltd/Ltee