MISE À JOUR DU MARCHÉ DE LA VANILLE – MAI 2020

Au fur et à mesure que la COVID-19 cause des ravages aux quatre coins du monde, nous allons tenter d’évaluer l’état actuel du marché de la vanille le plus objectivement possible vu les circonstances. Il est important au départ de souligner que contrairement à d’autres aspects de l’économie qui ont été dévastés par le virus, le marché industriel de la vanille, qui représente à peu près 80% du marché mondial, a actuellement bénéficié de la situation. Cela est dû à la forte augmentation d’achat d’épicerie et de repas préparés à la maison provoqués par les diverses mesures de confinement et de fermetures mises en œuvre dans le monde entier.  Par contre, l’industrie de la restauration et les secteurs institutionnels, les principaux acheteurs de vanille noire/gourmet et qui représentent à peu près 20% du marché mondial, ont été décimés.  L’apparition du virus couplé à certaines mesures du marché imposées par le gouvernement de Madagascar ont évité jusqu’à présent l’effondrement total des prix que nous avons connu en 2004. Cependant, la tendance à la baisse des prix de la vanille se maintient et nous sommes maintenant à plus de 50% plus bas que les prix les plus élevés de 2018. Malgré l’augmentation inattendue de la demande pour la vanille industrielle, les prix de la vanille sont toujours à la baisse et nous nous attendons à une baisse significative des prix à court terme et à la possibilité d’un effondrement à moyen terme.

Bien que la demande ait subi une hausse importante à cause du virus, nous sommes globalement encore loin d’être au niveau de ce qu’on pourrait considérer comme une consommation normale de vanille naturelle. Généralement, on voit une amélioration de la qualité mais cela varie d’une origine à l’autre et nous ne sommes toujours pas au niveau optimal en ce qui concerne les gousses de vanille. En 2020, la plupart des origines produiront des récoltes de vanilles matures donc la tendance pour une meilleure qualité devrait continuer. Comme toujours, il y a plusieurs variables à considérer lors de l’évaluation du marché de la vanille.  Une de ces variables est l’implication accrue du gouvernement de Madagascar dans la gestion et la régulation du marché local de vanille que ce soit en imposant un prix minimum pour l’exportation, soit en interdisant totalement d’exporter ou en limitant le nombre d’exportateurs agréés. Certaines de ces mesures ont déjà eu un impact significatif sur l’évolution du marché.

Nous vous soumettons ici notre plus récente mise à jour pour les plus importantes régions productrices de la vanille.

Papouasie-Nouvelle-Guinée demeure pertinente

Bien que la PNG soit fortement dépendante du secteur des services de restauration (vanille gourmet), certains signes révèlent que la vanille PNG réservée à l’extraction devient plus viable à l’échelle industrielle, surtout lorsqu’elle est mélangée avec la vanille d’origine indonésienne qu’on retrouve juste de l’autre côté de la frontière.  On voit de plus en plus de couverture médiatique initiée par plusieurs importantes entreprises mondiales de l’industrie aromatique, sans doute attirées par la nature compétitive des deux origines.  Diminuer la dépendance sur une seule origine pour la vanille a du sens.  Il reste à voir si d’autres feront de même et si la tendance continuera lorsque les prix à Madagascar descendront encore plus bas.  Le marché de la PNG est entravé par plusieurs lacunes incluant un manque d’options logistiques pour l’expédition (particulièrement évidente durant la crise actuelle), la dominance complète du marché par une compagnie d’exportation et la poursuite de la contrebande de la vanille de la PNG de l’autre côté de la frontière en Indonésie. Néanmoins, nous prévoyons toujours que cette région produise autour de 200mt de vanille en 2020.

Indonésie – en croissance

Nous nous attendons à une plus grosse récolte de l’Indonésie en 2020, probablement aux alentours de 200mt, voire plus. Au fur et à mesure que la campagne de vanille verte s’amorce, nous notons une diminution de la demande pour la vanille RP (récoltée prématurément). Logiquement, cela signifierait une récolte plus mature, de meilleurs ratios de mûrissement et par conséquence des rendements plus élevés. L’Indonésie comble un important manque au bas de l’échelle du marché où le prix l’emporte sur le contenu de vanilline.  Les ‘cuts’ traditionnels de Madagascar sont moins disponibles en faveur d’une qualité de 2ème grade et cela augmente la demande pour des qualités similaires en Indonésie. On note une augmentation de la pratique de mélanger la vanille d’autres origines avec la vanille de la PNG pour le marché extraction.  Nous croyons qu’avec la continuité de la chute des prix, la contrebande de la vanille de la PNG pour des transformations ultérieures en Indonésie deviendra moins attirante d’un point de vue économique. La COVID-19 a entravé considérablement la logistique en Indonésie causant de longs retards dans l’envoi de marchandises pour exportation par avion, puisque tout le fret aérien ne peut passer que par Jakarta.

Ouganda – lente à réagir

Bien qu’on note une amélioration de la qualité en Ouganda dans certains endroits, il y a encore beaucoup trop de vanille immature qui circule à notre avis.  Il y a également un écart entre les prix de la vanille ougandaise et ceux d’autres origines car les agriculteurs refusent d’accepter la réalité d’un marché à la baisse. Le prix courant pour la vanille verte à approx. USD 30.00/kg, n’est pas réaliste à notre avis. 

Jusqu’à ce que les problèmes de qualité et de production soient résolus, (et cela peut prendre encore plusieurs récoltes) nous pensons que les prix de la vanille ougandaise devraient être inférieurs à ceux de Madagascar s’ils veulent élargir leur part sur les marchés mondiaux. Les initiatives locales dans le but d’éduquer les agriculteurs et de respecter les dates de récoltes n’ont produit que des résultats limités.  Nous maintenons néanmoins que la production de la vanille ougandaise n’augmentera pas de façon significative en 2020.  Si Madagascar avait écourté ses exportations, cela aurait pu offrir des opportunités pour l’Ouganda. Cependant, cela n’a pas été le cas. Si le commerce de la vanille ougandaise ne s’adapte pas rapidement aux tendances du marché, il risque de perdre sa part dans un marché devenu hautement compétitif.  Ce serait dommage étant donné la capacité avérée de la région à produire des gousses de vanille de type Bourbon de très belle qualité.

Les Comores – isolées

Un pays qui produit certaines des meilleures qualités de vanille Bourbon demeure incapable de tirer profit des augmentations de prix des dernières années. Tout comme l’Ouganda, les agriculteurs et les préparateurs croient obstinément que la patience sera récompensée par une augmentation de prix. Toutefois cette logique ne s’applique pas dans le contexte du marché actuel. La production est stagnante aux alentours de 50mt et on s’attend seulement à une légère augmentation en 2020.  Nous avons vu l’apparition de nouveaux exportateurs ces dernières années brisant l’emprise maintenue depuis de multiples décennies par 2 entreprises dominantes dans la vanille. Même avant la crise de la COVID-19, la logistique était un défi au départ des Comores. Aujourd’hui, c’est encore plus difficile, en particulier pour expédier la marchandise en Amérique du Nord.  Prochainement la récolte de vanille verte commencera et reste à voir comment le gouvernement établira les prix. Nous espérons que la vanille Bourbon comorienne demeure compétitive avec Madagascar puisque la production annuelle pourrait facilement doubler d’ici quelques années avec un peu plus d’initiatives sur le terrain.

Madagascar – une parfaite tempête de vanille

Bien que les projections initiales pour la récolte de 2019 à Madagascar se situaient au niveau de 1100 – 1200mt, nous pensons que le nombre réel est plus élevé, probablement plus près de 1500mt. La qualité et la maturité de la vanille étaient nettement meilleures que prévu. La cueillette prématurée et le vol ont été maintenus au minimum et il y a eu très peu de demandes pour le quick curing. Suite à cela, les ratios de préparation étaient meilleurs que prévu et par conséquent ont produit un meilleur rendement global. La campagne de verte a déjà débuté dans le nord et continuera dans toutes les régions dans les mois à venir. Il est beaucoup trop tôt pour essayer d’estimer le prix d’exportation au 4ème trimestre basé sur les informations disponibles. Il suffit de dire que les prix seront nettement inférieurs à ceux de l’automne 2019.  La récolte de 2020 sera très bonne, pouvant même dépasser 2000mt. La récolte sera mature et en théorie cela pourrait signifier un ratio important de vanilles fendues.  La qualité et la teneur en vanilline devraient dépasser 2019. Le vol de vanille et la cueillette prématurée ont été négligeables jusqu’à maintenant.

Le gouvernement de Madagascar a un intérêt renouvelé dans la filière vanille. Les dates d’ouverture et de fermeture pour les récoltes et l’exportation sont imposées plus sévèrement.  Initialement, une interdiction d’exportation de la vanille a été décrété pour le 31 mai. Ensuite, le gouvernement a demandé aux exportateurs de déclarer leurs stocks non vendus pour finalement annoncer le 3 juin une extension de la date limite d’exportation au 30 juin.  Permettre aux exportateurs de déclarer leurs stocks sans vérification appropriée ou contrôle pourrait ouvrir la porte à l’exportation prématurée de la récolte de 2020. Il n’est pas impossible que des cuts 2020 soient expédiées de Madagascar dès la fin juin, déclarées comme étant de la récolte 2019 et vendues à un prix significativement réduit. Les cuts peuvent être préparées très rapidement, parfois au grand détriment de la qualité. Si de telles offres se matérialisent, nous pensons que les industriels des arômes qui fournissent les marchés au détail toujours soucieux d’offrir au meilleur prix seront ciblés.

Heureusement il semble que les dates de récolte seront respectées. La maturité de la vanille est le facteur le plus important, qui déterminera la qualité des gousses de vanille à la fin.  Une date d’ouverture pour l’exportation de la récolte 2020 (restant toutefois à confirmer) fixée au 15 octobre découragera le quick curing mais malheureusement ne l’éliminera pas complètement.

Nous espérons que le gouvernement réalisera ce qu’est la véritable signification de la pratique du quick curing. 

Notamment, à notre avis, celle de causer de graves répercussions sur les communautés de vanille à Madagascar ainsi que d’affecter la “marque” de Madagascar connue comme étant la vanille de meilleure qualité et la plus variée au monde.  Il semble que le gouvernement examine cette pratique de

près. Nous pensons que la pratique du quick curing va à l’encontre de l’objectif de durabilité au sein de la filière vanille.   

Au début de cette année, et pour la première fois depuis des décennies, un prix minimum à l’exportation a été fixé afin de tenter d’éviter l’effondrement du marché qui semblait imminent à ce moment-là. La COVID-19 est apparue peu après et soudainement il y a eu une hausse importante de la demande mondiale pour la vanille industrielle, une conséquence directe du confinement et de l’explosion des ventes dans les supermarchés.  Cette tendance se maintient. Le prix minimum, établi à USD 350.00/kg, était arbitraire avec aucune spécification pour la qualité, le type etc. Puisque les exportateurs sont dans l’obligation de rapatrier le montant équivalent par kilogramme de vanille expédiée en devise locale, ceux qui avaient des réserves de devises étrangères pouvaient facilement respecter légalement le prix minimum à l’exportation tout en réduisant leurs offres aux acheteurs.  Si par exemple, un exportateur de vanille vendait à un prix inférieur au prix officiel de USD 350.00/kg, la différence de prix convertie en ariary était tout simplement utilisée pour des dépenses opérationnelles locales tel que l’achat de vanille verte.  

Normalement les exportateurs n’aiment pas garder de réserves d’argent en devise locale à cause de la volatilité historique de l’ariary.  Par contre, dernièrement les taux de changes sont très favorables et la devise est très stable. 

De plus, avec l’apparition de la COVID-19, le gouvernement a assoupli certaines règles plus sévères de rapatriement de devises étrangères ce qui aide à atténuer les contraintes d’un prix minimum à l’exportation. Nous n’aimons pas particulièrement l’idée de fixer les prix de la vanille mais dans ces circonstances, cela pourrait s’avérer être une idée astucieuse de la part du gouvernement. Il considère l’idée du prix minimum comme étant un grand succès étant donné la forte augmentation d’exportations provoquée par la COVID-19. Bien que nous n’ayons aucune preuve à date, nous ne serions pas surpris de voir un autre prix minimum à l’exportation établi pour la récolte 2020. 

Avec les prix excessifs des saisons précédentes, les acheteurs recherchaient des grades inférieurs afin de réduire les coûts. Par conséquent, la demande pour la vanille traditionnelle de grade 1, longue et fendue / non fendue a diminué.  Afin d’atténuer la demande pour la vanille de grade 2, les exportateurs ont énormément augmenté leurs offres.  

Tandis que dans le passé, la vanille de grade 2 était disponible en quantité limitée, souvent composée de vanilles courtes inférieures à 12cm, brisées ou effilochées, le nouveau grade 2 est une combinaison de vanille grade 3 et grade 1, mélangées en vrac, gousses de vanille fendues et non fendues combinées et souvent référées comme étant “loose beans“ (gousses de vanille en vrac). Cette qualité permet aux gens qui font la cueillette d’intégrer tous les grades simultanément, réduisant ainsi la possibilité d’un sur-stockage de gousses de grade 1.   La qualité des grades 2 s’est révélée très populaire auprès de la plupart des acheteurs mais cela a réduit la disponibilité des traditionnelles “cuts quality”. Avec une bonne récolte moins chère déjà en cours, idéalement, on aimerait voir Madagascar maintenir les trois grades de qualité extraction afin d’offrir davantage de choix et de flexibilité aux clients industriels quand ils considèrent leurs coûts et leurs formulations d’options.

Conclusion

Jusqu’ici, la COVID-19 n’a pas touché Madagascar ou la plupart du continent Africain comme nous le craignions initialement. Par contre, récemment il y a eu une hausse importante d’infections dans la région de Tamatave, ce qui est extrêmement inquiétant étant donné le volume de circulation et de va-et-vient dans le port principal du pays.   Il n’est pas difficile d’envisager un scénario catastrophe étant donné la fragilité du système de santé de la région et le manque de ressources. Une population plus jeune et moins mobile à Madagascar peut avoir contribué à contenir la maladie jusqu’à présent.  Ill n’y a pas d’information fiable concernant le virus et nous ne sommes pas du tout confiant que la situation soit maîtrisée. L’Indonésie fait également face à des défis pour contenir le virus à travers un territoire composé de milliers d’îles.

Nous tentons de rester optimistes en espérant que la majorité de la population de ces pays sera épargnée, mais la COVID-19 a quand même causé des difficultés économiques. Le tourisme, une industrie d’importance vitale, s’est effondré. Les importations et les exportations comportent plusieurs défis logistiques étant donné la rareté d’options pour le transport maritime et aérien de la marchandise. Des défis similaires existent aussi dans d’autres zones de culture de la vanille. Il s’agit de conditions de marché difficiles pour la vanille qui n’ont peu à voir avec la disponibilité ou le prix.

L’apparition de la COVID-19 et l’explosion subséquente dans le commerce des supermarchés a contribué à éviter l’effondrement des prix de la vanille, par contre nous ne pensons pas que cette demande renouvelée sera suffisante pour faire face à l’avalanche potentielle de vanille qui frappera le marché mondial au 4ème trimestre 2020.

De plus, nous doutons que la demande pour la vanille en provenance des CHR (cafés, hôtels, restaurants) reprenne à court terme.  Il est important de garder à l’esprit que malgré la chute des prix de la vanille de 50% comparé aux prix les plus élevés, même avec une autre chute de 50%, les prix seraient encore à un niveau historiquement élevé. Il peut être difficile pour ceux qui n’ont pas connu l’effondrement du marché

des gousses de vanille en 2004 de saisir à quel point le marché de la vanille peut chuter sur une relativement courte période de temps.  

Plusieurs fabricants continuent de contourner les règles dans leurs déclarations d’ingrédients et plusieurs autres poursuites de recours collectifs ont été déposées aux États-Unis à cet égard. Une poursuite fortement médiatisée pourrait stimuler considérablement la demande pour la vanille industrielle mais, nous pensons qu’au final, ce seront les prix qui ramèneront la plupart des fabricants dans les rangs comme dans les années qui ont suivi la dernière crise de la vanille.  

Nous sommes d’avis que les acheteurs de vanille devraient seulement couvrir leurs besoins à court terme afin de profiter pleinement des prix à la baisse.  Nous croyons que nous sommes encore très loin d’atteindre le plus bas niveau à moins que le gouvernement de Madagascar intervienne radicalement. Les politiques gouvernementales peuvent retarder l’inévitable mais il ne peut l’empêcher.  Éventuellement, nous croyons que la loi de l’offre et de la demande prévaudra.  Nous nous souvenons clairement de ce qu’un exportateur de vanille multigénérationnel et expérimenté nous avait dit il y a quelques années lorsque les prix de la vanille étaient à la hausse, que ce serait impossible de retourner au niveau atteint en 2003, celui de USD+500.00/kg. Non seulement le marché a atteint les USD 500.00/kg, mais l’a largement dépassé. Maintenant, comme la balance penche dans l’autre sens, nous ne pouvons pas exclure la possibilité que les prix de la vanille puissent atteindre de nouveaux creux dans les années à venir.  

Aust & Hachmann (Canada) Ltd