MISE À JOUR SUR LE MARCHÉ DE LA VANILLE – MAI 2017

La crise du commerce mondial de la vanille se poursuit sans relâche à mesure que l’on enclenche la campagne de la vanille verte  2017 au Madagascar. Cette mise à jour du marché se concentre  uniquement sur le Madagascar étant donné que les autres régions productrices de la vanille auront un impact négligeable sur la production mondiale en 2017, avec l’exception de la Papouasie-Nouvelle-Guinée où l’on s’attend d’avoir une récolte de plus de 200tm de vanille. Il est prévu que L’Indonésie, l’Inde et l’Uganda produisent des récoltes relativement petites, probablement bien en-deçà de 500tm les trois combinées. Nous évaluerons ces marchés avec plus de détails plus tard durant l’année.

Suite à une campagne désastreuse en 2016,  en se basant sur l’activité que nous constatons actuellement sur le terrain au Madagascar au début de la récolte 2017, nous pensons que la situation risque fort d’empirer avant de s’améliorer. Il n’y a aucun précédent historique en ce qui concerne la qualité et les prix actuels de la vanille. Nous naviguons des eaux inconnues et il reste à voir jusqu’où les acheteurs industriels en Europe et en Amérique du Nord sont disposés à aller, et quels prix ils sont prêts à payer pour de la vanille qui continue de détériorer en qualité à des prix de plus en plus élevés.   La récolte de 2017 de Madagascar pourrait fort bien être la plus mauvaise livrée au marché depuis des décennies.

Au Madagascar, même si nous sommes bien en avance des dates officielles de récolte dans la plupart des régions, les gousses de vanille verte près des routes ou dans les zones peuplées ont déjà été récoltés. Le seul espoir d’obtenir des récoltes raisonnablement mûries sont dans les villages les plus lointains mais les producteurs ne sont pas motivés de prendre le risque de se faire voler en laissant les gousses sur la vigne une journée plus longtemps que nécessaire.  Le cyclone Enawo qui a dévasté la ville d’Antalaha et les régions avoisinantes au début de cette année a probablement réduit le rendement prévu de la récolte d’au moins 20%. Par ailleurs,  les gousses de vanille immatures qui ont été arrachées des vignes par des vents violents  ont été récupérées et seront ajoutées à la récolte de 2017,  résultant en une baisse de qualité et de rendement encore plus grande.

On pourrait penser que les grandes maisons de produits d’arôme naturel de vanille, qui ont eu le plus grand impact sur les résultats de la récolte de 2016, adopteraient une approche plus réservée et raisonnable en 2017. Malheureusement, à date nous sommes témoins de la même tendance d’acheter de façon téméraire qui émerge sur le terrain. Des montants élevés de capitaux sont déjà déboursés alimentant une situation extrêmement chaotique avant même le début de la récolte officielle.  Nous croyons que la pratique du mûrissement accéléré de la vanille verte a énormément contribué à la situation actuelle du marché, a également un impact social extrêmement négatif  et que cette grande menace résulte de la demande créé par ces compagnies.

Encore une fois nous nous attendons que le blâme du piteux état du marché de la vanille retombe carrément sur les épaules du gouvernement de Madagascar, des producteurs, cueilleurs et exportateurs du marché local de la vanille. Ce sont eux qui paieront le prix lors de l’inévitable effondrement du marché.  Cependant, à notre avis, ce sont les acheteurs industriels qui continuent de préfinancer et d’encourager le mûrissement accéléré de la vanille verte qui sont les principaux responsables de l’état du marché actuel de la vanille.   Pour ces compagnies, tout ce qui compte est d’accroître leur part de marché malgré les conséquences à court et à long terme affectant autant le commerce mondial de la vanille et les centaines de petites communautés appauvries dans les régions de Madagascar qui produisent la vanille.  Des pratiques d’approvisionnement éthiques et durables ont été mises de côté en faveur d’un concept malavisé d’obtenir de la vanille à tout prix. Pour les plus petites compagnies  qui tirent une grande fierté d’offrir des produits de vanille de haute qualité et d’utiliser des pratiques d’achat équitables et raisonnables, la période actuelle est extrêmement frustrante et difficile.

Nous sommes encore à 4 mois avant que les premiers lots de vanille mûries selon les méthodes traditionnelles deviennent disponibles et plusieurs utilisateurs nous demandent de l’aide afin de formuler une stratégie d’achat cohérente. Comment pouvons-nous les conseiller d’acheter de la vanille historiquement de mauvaise qualité à des prix 25 fois plus chers que ce qu’ils ont payés il y a moins de 5 ans, pour de la qualité de beaucoup supérieure? Comment pouvons-nous conseiller des entreprises de préfinancer des entités dans un des pays les plus pauvres au monde, avec peu ou aucun recours et s’attendre à des résultats équitables? Comment est-ce que n’importe quelle entreprise de vanille peut supporter une pratique régressive de mûrissement accéléré ou d’extraction de vanille verte quand cela contribue à une dégradation accrue de la qualité de la vanille,  diminue le rendement, et cause des effets dévastateurs sur la vie de simples citoyens dans la région de vanille de Madagascar?.

Nous estimons qu’il est possible que le marché se stabilise avant la fin de 2017 si un nombre suffisant d’utilisateurs finaux trouvent une alternative à la vanille naturelle pour leurs produits alimentaires et boisson. (Les services de restauration et le marché de détail pour les gousses de vanille bourbon se sont déjà effondrés). Il y a des solutions naturelles disponibles pour ceux qui choisissent une alternative à l’utilisation de cette matière première imprévisible et instable,  sinon de façon permanente, du moins temporairement. Nous ne prenons pas ces mesures suggestives à la légère. Notre survie à long terme dépend de l’approvisionnement fiable de gousses de vanille de bonne qualité, ce qui est simplement impossible au Madagascar dans le marché d’aujourd’hui. Nous avons noté une baisse de la demande industrielle récemment, mais une chute brutale et soudaine serait exactement ce qui pourrait sauver le marché à long terme. Nous croyons que si les tendances actuelles de prix et de qualité continuent ainsi pour les gousses de vanille, certaines parties du marché pourraient être perdues pour un avenir indéfini. En fait, nous sommes déjà en bonne voie vers cette réalité. Nous encourageons les entreprises déjà présentes sur le terrain à Madagascar, ou qui considèrent s’impliquer à ce stade préliminaire en adoptant des méthodes de mûrissement accéléré ou de préfinancement, de reconsidérer leur stratégie avec une  perspective de collaboration et de viabilité. Peut-être si les utilisateurs finaux d’arômes de vanille en provenance de gousses de vanille voyaient le chaos et la destruction que ces pratiques d’approvisionnement irresponsables causent sur le terrain à Madagascar, ils prendraient peut-être du recul et réévalueraient leurs stratégies.

 

Aust & Hachmann Canada (LTEE)